LEGISLATION

ESPRIT GENERAL DE LA REFORME DU SECTEUR DE LA COMMUNICATION AU BURKINA FASO

La réforme du secteur de la communication est l’aboutissement d’un long processus de concertation entre l’Etat et les acteurs du monde des médias. Elle vise à aligner les textes sur l’évolution des pratiques et le développement des moyens de communication.

La réforme est constituée de cinq lois, à savoir :

  • Loi n°057-2015/CNT du 4 septembre 2015 portant régime juridique de la presse écrite au Burkina Faso et son modificatif ;
  • Loi n° 058-2015/CNT du 4 septembre 2015 portant régime juridique de la presse en ligne et son modificatif ;
  • Loi n°059-2015/CNT du 4 septembre 2015 portant régime juridique de la radiodiffusion sonore et télévisuelle au Burkina Faso et son modificatif ;
  • Loi n°080-2015 du 23 novembre 2015 portant réglementation de la publicité au Burkina Faso ;
  • Loi n°051-2015/CNT du 30 août 2015 portant droit d’accès à l’information publique et aux documents administratifs.

La réforme se structure autour de plusieurs grands axes qui en constituent une grille de lecture.

  • Tout d’abord, la réforme renforce la libéralisation du secteur de la communication. Procèdent de cette vision, par exemple, la dépénalisation des délits de presse, la protection de l’accès aux sources de l’information et aux documents administratifs au profit non seulement des journalistes mais aussi des citoyens.

Précisons que la dépénalisation des délits de presse n’est pas totale mais partielle. Elle ne concerne pas les infractions commises par voie de presse ci-après, qui relèvent du Code pénal :

  • la publication ou la reproduction de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées mensongères de nature à porter atteinte à la paix publique ;
  • l’incitation à la commission des crimes ou  délits ainsi que l’apologie des crimes ou délits ;
  • l’incitation au racisme, au régionalisme, au tribalisme, à la xénophobie et l’apologie des mêmes faits ;
  • l’incitation à la haine ou à la discrimination fondée sur le sexe et l’apologie des mêmes faits ;
  • Ensuite, la réforme renforce la professionnalisation du secteur de la communication. Elle donne une meilleure définition du journaliste professionnel et une nouvelle définition à la profession de publicitaire. Elle encadre l’accès à la profession publicitaire en imposant une condition d’expérience professionnelle d’au moins cinq ans.
  • Par ailleurs, la réforme renforce la protection des droits des citoyens. Les nouvelles lois sur la presse écrite, la presse en ligne, la radiodiffusion sonore et télévisuelle contiennent des dispositions plus protectrices des droits des individus lésés dans le cadre des publications de presse. Le droit à la vie privée, le droit à l’image, l’exercice du droit de réponse et de rectification sont mieux encadrés. Les nouvelles lois protègent la jeunesse et proscrivent la discrimination fondée sur le genre.

La loi sur l’accès à l’information publique ou aux documents administratifs protège également les droits fondamentaux de l’individu en limitant l’accès à l’information lorsque cette information est de nature à porter atteinte à la vie privée d’autrui et aux données à caractère personnel.

  • La réforme fait la promotion des entreprises nationales et proscrit la concentration des entreprises de communication. Les lois sur la presse écrite, la presse en ligne, la radiodiffusion sonore et télévisuelle prévoient que le capital des personnes morales exploitant une entreprise de presse est détenue à hauteur de 51% au moins par des personnes physiques ou morales de droit burkinabè. Quant à la loi sur la publicité, elle oblige les étrangers à utiliser les services d’une régie ou d’une agence de publicité de droit burkinabè sous réserve de réciprocité.

L’on note que la réforme se caractérise par une segmentation des textes sur la communication. Plusieurs lois remplacent désormais l’ancien Code de l’information. Cette segmentation n’est pas sans poser quelques problèmes de référencement dont il importe d’informer le lecteur. Ainsi, par exemple, les dispositions concernant le statut du journaliste, le statut des entreprises de presse publique, l’accès aux sources d’information, la clause de conscience, la subvention de l’Etat à la presse privée, la procédure ont été reprises textuellement mais sous des articles différents dans chacune des trois textes. Dans un souci de bonne législation, peut-être aurait-on pu considérer la loi sur la presse écrite comme le texte de référence auquel les autres lois auraient renvoyé pour ce qui concerne ces questions communes.

L’on note aussi que les lois modificatives qui réduisent les peines d’amendes relatives aux infractions commises par voie de presse ne s’étendent pas aux amendes relatives aux infractions portant sur les entreprises de presse. Ainsi, le seul fait d’omettre de faire la déclaration du journal auprès du parquet du Tribunal de grande instance est puni d’une amende de 10.000.000 à 12.000.000 de FCFA. Il en est de même pour l’inobservation des procédures d’obtention du visa par les correspondants de presse.

L’on note encore quelques incohérences dans la détermination du quantum des amendes en rapport avec le type de média pour les mêmes infractions. C’est le cas des amendes prévues pour les infractions relatives aux entreprises de presse écrite et celles relatives aux entreprises de presse en ligne. Par exemple, les peines d’amendes pour les infractions d’omission de déclaration du journal auprès du tribunal de grande instance, de l’exercice de la profession d’envoyé spécial sans l’accréditation et le visa du Conseil supérieur de la communication sont différentes. Les amendes vont de 10.000.000 à 12.000.000 pour la presse écrite et de 10.000.000 à 15.000.000 de FCFA pour la presse en ligne.

Au bénéfice de ces observations liminaires, qui pourraient enrichir tout débat futur sur l’approfondissement et l’effectivité de la réforme, il convient d’ores et déjà de saluer cette majeure réforme qui marque un tournant décisif pour le développement du secteur de la communication au Burkina Faso. Il reste maintenant à espérer que les acteurs veillent à l’application des nouvelles lois dans l’esprit général de la réforme, car dans le domaine de la communication plus qu’ailleurs, c’est très souvent la hardiesse des pratiques qui a forcé le droit à se développer.