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L’Observateur Paalga Sur les traces du doyen de la presse privée burkinabè

L’histoire du journal L’Observateur est intimement liée à celle de deux frères : Martial et Edouard Ouédraogo. Le premier en est l’éditeur et le bailleur, et le second, le co-éditeur et directeur de publication. L’initiative était “trop osée” pour certains dans une Haute- Volta à l’époque qui cherchait encore ses marques. Mais le goût de l’entreprenariat privé, l’envie de donner aux Voltaïques d’alors un autre son de cloche que celui du pouvoir en place ont eu raison des peurs ou doutes des frères Ouédraogo. Petit à petit, L’Observateur va tisser sa toile, passer par le feu pour gagner “l’éternité” : la mémoire des Voltaïque aujourd’hui Burkinabè. Retour sur le parcours d’un pionnier, doyen certes, mais encore si jeune et si actuel.

Disposer d’un journal libre qui permet à tout le monde, à tous ceux qui peuvent être piétinés dans leurs droits, surtout par l’administration, de s’expliquer et de se défendre contre l’arbitraire, prenant l’opinion à témoin et créer un forum, un espace de liberté où toutes les opinions et toutes les sensibilités de tous ordres trouveraient à s’exprimer en toute liberté, tel est le but ultime qui a conduit Edouard Ouédraogo à tenter l’expérience de sa vie. C’est ainsi qu’un certain matin du 28 mai 1973, les Ouagalais accueillaient à leur réveil, un nouveau venu dans l’univers de la presse écrite voltaïque : le journal L’Observateur. Imprimé en quatre pages, il est vendu à 25F. C’était la première fois qu’un journal paraissait en Haute-Volta, quotidiennement, illustré par la photo. Le premier numéro est tiré à 1000 exemplaires.

Et puisqu’un journal est animé par des journalistes, il a fallu en recruter. Pour ce faire, l’éditeur Martial Ouédraogo s’est tourné vers l’Office national de l’emploi et de la main- d’œuvre pour lancer l’avis de recrutement ouvert à tout bachelier ou à toute personne ayant le niveau Bac. Hector Désiré Bationo, Léopold Sawadogo et Maurice Bali Bamouni sont retenus à l’issue de la composition. Ils rejoignent le directeur Edouard Ouédraogo et Edmond Nana pour former une rédaction de cinq personnes. Sans expérience ni formation préalables, c’est sur le tas qu’ils se forment. Edouard Ouédraogo et ses confrères effectuent non sans dévouement, leurs reportages avec les moyens des années 70. Au mieux, c’est avec leurs mobylettes CT qu’ils effectuaient les reportages et au pire, à pieds. Les interviews et prises de sons se faisaient à l’aide de radio-cassettes à six piles, transportées sur leurs épaules aux lieux de meetings ou de conférences de presse. C’est 7 ans plus tard, précisément en 1980 que la rédaction de L’Observateur reçoit le premier dictaphone.

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La UNE du premier numéro de l’OBS du lundi 28 mai 1973 et qui coûtait 25F.CFA

Si L’Obs. a été favorablement accueilli par le lectorat voltaïque, sur le plan commercial, les attentes et prévisions ont mis du temps à se combler. Le tirage du journal chute de 1000 exemplaires par jour à 500. Mais avec l’avènement de la IIIe République et son abondance en actualité politique, L’Obs. entame une ascension prospère qui lui permettra en 1979 d’acheter son premier véhicule neuf, une 304. Malheureusement ce coup d’accélérateur connaîtra un freinage sérieux à cause de l’instabilité institutionnelle du pays, due aux nombreux coups d’Etat qui ont ralenti les activités politiques.

Un autre événement malheureux va porter un coup fatal à l’évolution du journal L’Observateur. Le 10 juin 1984, sous le CNR, un incendie criminel ravage les locaux du premier quotidien voltaïque. Cet incendie serait dû au fait que dès sa naissance, L’Observateur a toujours ouvert ses colonnes aux syndicats, aux opposants, aux étudiants et autres intellectuels qui n’avaient pas accès aux média d’Etat, une ligne éditoriale qui jurait avec les conceptions idéologiques et militantes du régime d’alors. De 1984 à 1989, le canal d’expressions plurielles et démocratiques a disparu de la circulation et les portes restées closes.

La renaissance

En 1989, le phénix renaît de ses cendres mais sera immédiatement étouffé. En effet, grâce à l’acquisition de matériels d’occasion, L’Observateur refait surface le 27 janvier 1989. Mais cette première édition de la renaissance sera vite saisie par les forces de l’ordre, les locaux du journal mis sous scellés et l’électricité coupée. C’est le deuxième coup dur infligé à Edouard Ouédraogo et son journal. Cette nouvelle période d’hibernation durera 7 ans. Mais grâce au vent de démocratie qui a soufflé sur les Etats africains, les dirigeants politiques permettent une libéralisation relative de l’espace médiatique. L’Observateur met son pied à l’étrier pour réapparaître le 15 février 1991, sous une nouvelle appellation, car c’était l’une des conditions fixées par les autorités du Front Populaire pour délivrer l’autorisation de publication. Le journal devient donc L’Observateur Paalga.

L’ère de la révolution informatique

Dans ses nouveaux habits, L’Observateur Paalga réorganise et renforce sa rédaction avec l’arrivée de nouveaux journalistes. Le journal ajoutera quelques années plus tard, une autre flèche à son arc : la publication d’un magazine hebdomadaire appelé L’Observateur Dimanche. L’arrivée de l’outil informatique va considérablement révolutionner la rédaction de L’Observateur Paalga à l’instar des autres organes de presse à travers le monde. La PAO (publication assistée par ordinateur) améliore et accélère le travail. Avec un seul ordinateur au départ, le service de la PAO compte aujourd’hui plus de 5 ordinateurs. Encouragée par ce succès, la direction du journal a mis les bouchées doubles pour fournir aux journalistes une dizaine d’ordinateurs, devenant ainsi en 2003, le premier journal au Burkina Faso ayant entièrement informatisé sa rédaction. Cela permet aux journalistes de saisir librement leurs articles ou de collecter des informations sur internet. Bref, du service de la PAO à celui du laboratoire en passant par la rédaction, la révolution numérique a gagné toutes les sphères de L’Observateur Paalga.

Pour collecter les informations sur les plans africain et international, les journalistes de L’Obs. avaient deux moyens : la radio et un abonnement payant auprès de l’Agence France Presse (AFP). Les dépêches tombaient sur un téléscripteur placé dans le bureau du directeur. Les photos qui accompagnaient ces informations arrivaient dans une pochette chaque semaine par la poste au nom du journal. Là aussi, un changement considérable s’opère. Depuis 1998, L’Observateur Paalga dispose d’une connexion internet en mode analogique, remplacée en 2002 par l’internet haut débit avec l’ADSL. Cela a permis de connecter à internet, une quinzaine d’ordinateurs, soit près de la moitié du parc informatique du journal.

 

Les ressources humaines

Au fil des années, L’Observateur Paalga a renforcé et rajeuni ses ressources humaines. De moins d’une quinzaine en 1973, L’Observateur alloue aujourd’hui un revenu mensuel à plus de 120 personnes si l’on prend en compte les temporaires. Le journal a des correspondants permanents dans cinq villes du pays à savoir Bobo- Dioulasso, Koudougou, Ouahigouya, Banfora et Dédougou avec une représentation officielle à Bobo et à Koudougou. La direction du journal assure que le maillage du territoire national va se poursuivre. Une autre révolution qui fait la notoriété de L’Obs., c’est son site web interactif (www.lobservateur.bf).

Le chemin fut long, tortueux et parsemé d’embûches pour Edouard Ouédraogo. Mais la hargne et la foi en la noblesse de son œuvre furent plus tenaces. Et c’est à juste titre que le directeur Edouard Ouédraogo affirme aujourd’hui avec fierté, « L’Obs., c’est la plus belle œuvre de ma vie. ».

Koundjoro Gabriel Kambou

Source : dossier de presse du 35è anniversaire de L’Observateur Paalga

 CNP-NZ, avril 2012