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Tombe de Dabo Boukary, déclaration de Me Halidou Ouédraogo : Le président de l’ANEB en 1990, Dr Séni Koanda, réagit

Ainsi donc, c’est à Po qu’ils sont allés enterrer Dabo Boukary, si l’on se fie aux investigations du juge en charge du dossier qui a présenté la prétendue tombe aux avocats, le 21 février dernier. Un pas de plus vers la manifestation de la vérité ? Assurément, selon le Dr Seni Koanda qui était président de l’Association nationale des étudiants du Burkina (ANEB) en 1990 quand les commandos du Conseil sont descendus sur le campus pour mâter durement lui et ses camarades qui manifestaient. Traqués jusque dans leurs domiciles, l’un d’entre eux, Dabo Boukary déporté au Conseil, n’en est plus jamais ressorti. Il y a deux ans, quand il nous accordait une interview, Seni Koanda déclarait que le Gal Gilbert Diendéré et Salifou Diallo pouvaient éclairer l’opinion sur la disparition de l’étudiant en 7e année de médecine. Depuis, le Général est inculpé dans cette affaire. Salifou Diallo, lui, aurait été entendu aussi. Dans cette nouvelle interview qu’il nous a accordée, l’ancien président de l’ANEB se prononce sur cette tombe révélée après 27 ans. Il revient également sur les récentes déclarations du président du Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP) d’alors, Me Halidou Ouedraogo.

Lefaso.net : Ce mardi 21 février 2017 la supposée tombe de Dabo Boukary a été indiquée aux avocats et à certains membres de la famille du défunt. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?

Seni Koanda : Comme tous les combattants de la liberté, les militants, nous pensons que si cette tombe qui a été identifiée était celle de notre camarade Dabo Boukary, c’est un pas important vers la manifestation de la vérité, d’une part. D’autre part, après près de 27 ans, si on arrive à identifier qu’effectivement c’est la tombe, c’est l’occasion de pouvoir enfin donner une sépulture digne de lui, parce qu’on ne sait pas dans quelle condition il a été enterré.

Nous sommes quand même des Africains, c’est l’occasion qu’on puisse faire tout ce qui est nécessaire pour que son âme repose en paix. C’est très important qu’on lui rende hommage à la hauteur du sacrifice qu’il a fait pour le peuple du burkinabè.

La nouvelle est tombée comme un couperet. Comment l’avez-vous apprise et qu’elle a été votre réaction ?

Dès que la nouvelle est tombée, j’ai été informé. Ensuite, j’ai confirmé à travers la presse, ce qu’on m’avait dit. C’est difficile, les sentiments sont un peu mélangés parce que cela fait quand même 27 ans que nous attendons cette nouvelle.
Mais j’avoue que j’ai été surpris de l’entendre, parce que je ne m’attendais pas qu’à ce stade on puisse identifier la tombe. Je dois dire également que depuis près d’une dizaine d’années, je m’inquiétais beaucoup en me demandant si on pourra effectivement retrouver la tombe. J’espère que ces inquiétudes vont être levées à travers des examens approfondis pour voir si effectivement c’est la tombe de Dabo Boukary.

L’autre surprise, c’est qu’il ait été enterré à 150 km de Ouagadougou. J’avoue ne pas comprendre la motivation de ceux qui ont commis l’acte pour aller enterrer notre camarade du conseil à plus de 150km de Ouagadougou. Mais je pense que cela montre en même temps la signature de ceux qui ont commis l’acte. Tout le monde sait que Po était le siège du RSP (Régiment de sécurité présidentielle, ndlr) à l’époque on les appelait les militaires du Conseil. Qu’on l’ait enterré vers ou à Po, cela va dans l’ordre de ceux qui ont commis l’acte. C’est mon avis.

C’est une information de taille qui va permettre au dossier d’avancer plus rapidement, a dit Me Sankara, l’un des avocats de la victime. Est-ce votre avis ?

Oui, c’est un élément matériel. Parce qu’en réalité, c’est l’ANEB qui dénonçait cette situation, avec les mouvements de droit de l’Homme, les organisations syndicales. Mais le régime de Blaise Compaoré, de façon formelle, n’a jamais reconnu l’assassinat de notre camarde Dabo, n’a jamais indiqué la tombe. Il n’y avait pas de preuves matérielles, éléments importants dans la poursuite de la vérité et de la justice.

Il y a deux ans, vous nous accordiez une interview, dans laquelle vous déclariez que deux personnes pouvaient éclairer sur la mort de Dabo Boukary, Gal. Gilbert Diendéré et Salifou Diallo. Avec le temps, effectivement le Général a été inculpé dans cette affaire, Salifou Diallo aurait également été entendu par le juge. Maintenez-vous ce que vous aviez dit ?

Je ne change aucun mot de ce que j’ai dit il y a deux ans. Et ce que j’ai dit il y a deux ans, je le dis depuis 1990. Ma version reste inchangée. Je n’enlève aucune virgule, ni aucun point dans ce que j’ai affirmé.

Vous n’enlevez aucune virgule, aucun point. Me Halidou Ouedraogo, président du MBDHP à l’époque et qui avait décidé d’exclure Salifou Diallo du Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP) à cause de sa prétendue implication dans l’affaire Dabo Boukary a fait une sortie récemment dans la presse et semble faire un rétropédalage. Comment avez-vous accueilli cette sortie qui continue de faire des vagues ?

Je ne rentre pas dans la polémique, je refuse d’y entrer. Chacun a donné sa version, on attend la justice.

Mais c’est quand même contradictoire, entre la décision d’exclusion de Salifou Diallo pour sa prétendue implication dans la répression de la manifestation en 1990, et les propos de l’ancien président du MBDHP maintenant. Non ?

Je pense que c’est à lui de s’expliquer, pas à moi. C’est lui qui doit expliquer pourquoi il a dit comme ça avant, et pourquoi il le dit comme ça maintenant. Je n’ai pas à commenter ce qu’il a dit. Après, si la justice fait son travail, certainement qu’il y aura des débats contradictoires. Mais moi je ne rentre pas dans la polémique.

Cette sortie vous a-t-elle étonné, tout de même ?

http://lefaso.net/spip.php?article75861

Ouedraogo Wend-mi Guaelle